< amédé >
Amédé seul, dos au mur, croise les doigts. « Chance, pardi ! La lune éclaire la fontaine », dit-il. La pleine lune, lumineuse dans la nuit, semble en effet projeter ses rayons sur la fontaine, qui ne se doute de rien.
Amédé s’élance vers la fontaine, il tente de l’enserrer de ses grands bras, agenouillé. « Fontaine ! Fontaine ! Que je t’aime ! Que j’ai foi en toi ! » Il rit et pleure tout à la fois. « Tes ennemis sont les miens. Nous vaincrons avant que les hommes ne décident. Je jure de me battre à tes côtés jusqu’à ma mort. » La fontaine ne se doute vraiment de rien, paisible toujours.
La lune descend rapidement, le jour monte, monte, les habitants sortent de chez eux, les bruits de la vie emplissent l’air, la lumière inonde la place. Amédé se lève, se nettoie le visage dans la fontaine, s’emplit les poumons, vaillant et résigné à sa promesse, puis court.
À sa vue, le maître de forge éructe. « T’étais où donc, bon à rien ? C’est que t’as pas entendu l’chant du coq ? Toujours à trainailler. Frappe-moi cette enclume.
— Six ans que je frappe cette enclume, rien d’autre à faire ? ose répondre Amédé.
— Huit cents ans qu’elle est frappée, elle. Plains-la donc elle, plutôt. Égoïste ! »
Amédée frappa l’enclume un jour de plus. Le maître de forge, terminant la dure journée de travail par une pinte de bière à la caverne, ne put voir Amédée frapper l’éclume tout le soir encore, et toute la nuit encore, tellement qu’il était au matin à frapper l’enclume lorsque le maître de forge arriva. Il railla son zèle, une goutte de trop, la transe dans laquelle Amédé était entré eut raison du grand et fort et bruyant maître de forge. Alors il s’enfuit du village.