< polar >
« Baldir, où sont les lames de fond, bordel ? qu’il gueula, le lieutenant. Et vous irez me chercher deux demi douzaines d’œufs.
— Bien, mon lieutenant. Ce sera fait, mon lieutenant. »
Baldir jeune et droit, dans son uniforme propre, imberbe à la peau lisse et les yeux grands, tourna les talons, vers le fond de la pièce. Fortir expira, les épaules basses dit : « Baldir !
— Oui, mon lieutenant, qu’il se retourna.
— Vous m’assombrissez le parking, Baldir. »
Triste qu’il partit, Baldir.
« Mon lieutenant, du nouveau dans l’affaire Gransart.
— J’ouïs.
— Les enfants ont parlé. Le père est innocent. 75 coups de couteaux, ils s’y sont mis à trois.
— Bien. Bon boulot. Classez le dossier, Horl. »
75 balais qu’il traînait ses guêtres à la crim, le lieutenant. Il avait commencé dans les chiottes, enfermé par sa mère, pour des bonbons volés. « Fallait-y que j’t’expulses par l’cul, mon garçon, qu’elle lui disait. J’ai mal encore. » Le cul de sa mère, c’était comme un oreiller de plumes, pour lui, il y aurait plongé la tête à le bouffer.
« Michel, j’ai pas fini avec toi.
— J’ai tout dit. J’ai plus rien à ajouter.
— Sauf le nom de tes complices, leur adresse, et qui t’as tué exactement.
— Je vous jure c’est le sang de ma femme. Avoir ses règles sur un couteau, elle adore.
— Le labo est formel, c’est du sang de cochon. Il se pencha, marqua une pause, les yeux dans les yeux, et bien lourds de tension calme. Qui t’as tué, Michel ? »
Les yeux de Michel se détournent, il inspire. « J’ai tué personne, conclut-il.
— Ta femme s’enfonce des morceaux de porc ?
— Ecoute, Michel, c’est pour ton bien, intervint Pant. J’ai jamais vu autant de sang sur un couteau. J’en rêve la nuit à pas dormir, ça m’en ferme un poing et j’ai les larmes aux yeux. Un océan de sang qui s’écoule à grande vitesse, et toi à l’autre bout tu tends le couteau, ça gicle bien, et tu gueules, héroïque, que c’est pas toi et que t’as tué personne. Tu mens, c’est évident. Alors dis-nous qui c’est, qu’on aille le choper, ce fils de pute. Hein ! Dis-nous qui t’as tué ! Et il lui balança une droite, comme ça, pour le prix du discours. Et Marcus lui balança une droite, comme ça, pour pas se tenir en reste.
— Okay. Okay. J’vais vous l’dire, qui c’est que j’ai pas tué. Pause seyant à la révélation. C’est Friand.
— Et ben voilà, grand sourire Pant et bras ouverts. C’était pas si difficile.
— T’avais pas le droit d’épargner Friand ! éclata Marcus. T’avais pas l’droit, tu m’entends ? C’est mon ami mon frère, des parties de chasse à la con et des autos-tamponneuses, des pêches à la crevette et des baises d’enfer. Pas toi, t’avais pas l’droit. » Honteux le Michel, tout penaud sur sa chaise, il en menait pas large, le menton chatouillant les têtons ; il banda. Marcus pleurait, effondré une mèche de cheveux sur le front.
Intérieur jour, nuit sur la lune. Des claps et re-claps en d’assourdissant présages. Hurlements incontinents.
« Et nous levons notre verre au nouveau directeur de la police criminelle. Bravo ! Hourra ! »
Dans le coin supérieur gauche Isadora triste appuyée au chambranle d’une porte de sortie. Des longs cheveux dont une mèche qui glisse le long d’un fond de teint mouillé. Le directeur sourit le poitrail en avant. Le serveur avait dans la bouteille pissé et bien refermé, puis s’aplatit devant chacun, sérieux et raide, minable.
Au bureau de l’entrée, pour recevoir les clients, Thor zélé toujours joyeux le sourire sur la bouche. Baldir a passé, un gentil garçon sans histoire. Rien à faire, personne ne vient. Baldir s’arrête, un doigt sur une lèvre, à savoir que doit faire. Thor l’apostrophe, « qu’est-ce que tu cherches Baldir, je peux t’être utile ?
— Euh… Il se gratte la tête. Je devais aller chercher quelque chose.
— Je peux peut-être t’aider, l’index sous le menton. Œil dans œil, dent sur dent, une langue qui lappe la gueule, une main qui pousse dans un coin sur la poitrine de l’autre. J’aime ton visage, Baldir. J’aime tant ton visage. Je sens que j’en ai envie quand tu passes devant moi.
— Euh… ouais. » Ses mains battent l’air, en recul. Dos au mur, s’abandonne. Prêt du songe, bande, tient Thor.
Thor collé à Baldir sent bite dure sous falzar. Débraguette à genoux suce, des cheveux en arrière rejetés suce et regard désirant vers le haut. Regard vers le haut de Baldir, cotonneux, le bout des doigts sur poitrine.
« Qu’est-ce que t’as pétasse ? Il la traîne par les cheveux, tourbillonne dans la pièce, contre les armoires métalliques les vitres blindées, puis vient, repart, projetée sur une table. Qu’est-ce que t’as, hein ?
— Je me suis fait violer, elle dit à bout de souffle.
— Quoi, tu t’es fait violer ? Tous les trois jours tu te fais violer. Tu crois que je le connais pas ton manège ? Ça t’amuse de venir nous emmerder ? Tu crois que j’ai que ça à faire, que d’écouter des putes myhomanes ?
— C’est vrai. Toujours vrai. Violée.
— C’est ça, ouais. » Il prit un talon haut rouge qu’il lui lança sur sa tête retournée contre la vitre. Derrière, Manuela lui faisait un petit coucou, entre copines. Le talon l’ébrécha, dans le cuir chevelu, un peu de sang dans ses cheveux blonds-noirs-brun.
Igor l’attrapa par la veste en jeans, la plaqua contre un mur, arracha sa jupe en cuir, ses bas de dentelle et son string en plastique. Lécha un peu du bout de la langue. Elle fit quelques pas en tordant du cul. « Tu sais, Bibinou est mort hier. J’ai pas dormi de la nuit, tellement ça m’a fait de la peine. Je l’ai mis dans une boîte à chaussures, j’ai dessiné une croix rouge dessus, puis je l’ai mis dans le vide-ordures. J’ai fait un signe de croix après que j’l’ai refermé.
— Ah ouais, t’étais de service de jour aujourd’hui.
— Ouais. J’ai dû chier trois fois pour faire plaisir au client. La dernière, j’ai remballé la deuxième. Smell mes doigts. Il teint ses doigts dépliés à ses narines, huma en fermant les yeux, mordit un doigt par réflexe nerveux. Tu sais quand Starx i’ sort ?
— Dans pas longtemps. Demain, je crois. T’as peur ?
— Après la quatrième fois qu’il m’a violée, je pouvais plus marcher pendant un mois et demi. Ils ont dû me recoudre l’anus. J’ai tellement peu mangé que j’ai retrouvé ma ligne.
— T’es magnifique, depuis. Il l’embrassa tendrement. »
Un coup de fil du labo. « Lieutenant Fortir.
— C’est pas du sang de cochon, sur le couteau. C’est du sang de cheval.
— Bon. Et les empreintes chez les Belhaz ?
— Pas grand chose pour l’instant. »
Deux ans qu’ils essayaient de les déchiffrer ces empreintes.
« T’étais vraiment en poussins à Sarcelles en 82 ? » Pant n’en revenait toujours pas. Il avait été lui-même en poussins à Saint-Brice la même année, ils avaient dû jouer ensemble, aucun ne s’en souvenait.
Fortir passa la tête par la porte. « C’était du cheval, pas du cochon. »
« Et tu fais quoi maintenant ?
— Boucher charcutier. À mon compte depuis trois ans.
— Et t’aurais pas assassiner un cheval ? Ou quelque chose d’autre, d’ailleurs ?
— Jamais. J’aime pas le cheval, c’est ma femme qui s’occupe de la découpe.
— Ta femme… Elle écoule ses règles sur une lame d’acier. Assassine un cheval avec le même couteau. Ça commence à faire lourd. T’as rien d’autre à nous dire sur son compte ?
— Je vois pas.
— Reste là sagement, on va la chercher, ta femme. En route, Marcus. »
Isadora sortit. Dehors, elle appuya sur un bouton de sa montre. Le bâtiment explosa.
Elle ment la jalouse. Elle pleurniche et s’enrhume. Des flaques de gadoue dans lesquelles elle gémit, épuisée bavant ses dernières gouttes de sperme. Elle regrette, regarde le ciel. C’est beau les étoiles.
Il y aura deux morts. Une affaire vite bouclée.
Un par un les humains s’en vont. Un décompte infernal. Mais par où qu’ils entrent, nom de Dieu ? C’est pas normal tout ça.
Plaque d’immatriculation 8937 JTU 75. 17-27-30-42 : 6. Bingo. Tout ce qu’il connaissait aux mathématiques, le lieutenant.