< Jad-Volantis Phrasé >
dimanche, avril 08, 2007
  Inside the museum

Des bouts, partout par terre, des bouts. Ensemble hétéroclyte qui à l'oeil commence à prendre forme. La poupée devient une poupée, un bras de poupée devient un bras de poupée. Des formes de corps, des formes de membres, surtout.

Elle qui n'arrivait pas à se faire exposer, à entrer au musée vivant, et vivante. Par manque de gentillesse, lui a-t-il fait comprendre, par trop d'inhibition, par des restes de dignité, et quoi ? s'est-elle crue de la génération de ses parents, et encore, à cette époque-là n'était-ce pas la libération ? Trop vieille, la jeunette, et ses oeuvres également ne mentent pas, d'un autre âge. Ses oeuvres opaques, ses oeuvres plates, ses oeuvres qui retiennent leur sens et leurs contenu, qui ont encore du sens et du contenu, que tout tient dans l'opacité plate grâce à un cadre, comme d'autres le ventre avec une ceinture, et d'autres encore les seins les cheveux, retenus par des ficelles pour donner forme correcte, acceptée, tolérée, valorisée, subventionnée.

Extrait de lui : "non, il n'y a pas de droit d'entrée sexuel ; non seulement les sociologues qui ont mené d'ailleurs une enquête sur ce sujet ont été très clairs, mais encore il n'y a ici que des amis à moi, et vous savez, dans le milieu de l'art, chacun a beaucoup de désir, d'appétence, on en veut et on aime la vie ; hommes ou femmes nous sommes d'abord une communauté de gens qui aimons la vie, et le sexe, ça fait partie de la vie, non ? Comment voulez-vous faire de l'art si vous n'aimez pas la vie ? Prenez une hystérique, par exemple, sa place est en clinique ou bien mère au foyer, pas dans un musée ; si certaines personnes ne sont pas artistes mais voudraient l'être, c'est leur problème, ici nous ne faisons entrer que des artistes ; je les reconnais, les artistes, vous savez, parfois je n'ai même pas à regarder leurs travaux".

Elle est revenue, sans sucer, sans se faire prendre sur le bureau, sans exposer son sexe, qu'elle appelle chatte, sur le papier, "la chatte de la poupée". Un sociologue écrit : "l'artiste contemporain peut être compris comme le modèle du travailleur contemporain". Elle n'est plus vierge à cause d'une banale histoire d'amour ; non, deux banales histoires d'amour, mais son sexe reste elle, métaphore de sa vie et d'elle-même, il ne va pas partir au plus offrant, il ne va pas s'éclater dans le luxe de la perte de soi, ni servir de monnaie d'échange et de passe-droit pour tous les lieux de réussite, d'ascension professionnelle et financière ; artistes pour aristos accessoirement soubrettes, autre siècle autre moeurs, mais où est passé le vingtième, il dit : "c'est le siècle de l'horreur, autant l'oublier". Elle lui en veut, et lui espère une métaphorisation sexuelle, il dit : "elle ne veut pas me couper les couilles et ne le fera pas, elle veut me baiser, et ma foi ça ne me déplait pas, je dois la laisser venir et exciter son désir puissance n ; c'est la vie, le sexe, c'est même la base de la vie, la psychanalyse n'a-t-elle pas mis cela au jour ?". Dur combat, qui met en jeu l'art et l'artiste, le commissaire d'exposition et le lieu d'art, et combien plus encore.

Rien sur les murs, une installation diraient certains de la génération d'après ce public qui vient et qui dit devant rien : "c'est beau", "ah non, tu vois, ce rien du tout, je n'aime pas, je ne sais pas, ça ne me parle pas". Des objets, des demis-objets, des bouts, tout un assemblage pour gamins attardés, venez jouer, jeté là sans ordre ni ordonnance sur une surface plane appelée sol sur un périmètre déterminé par l'idée que la liberté d'un s'arrête là où commence l'oeuvre de deux, voisin, autre, comptage individuel dans le contenant institutionnel.

Beaucoup de gens passent et s'arrêtent, debout bien droits ou un peu avachis par leur déjà heure de visite dans cet endroit propret, clair et lumineux comme un tribunal à l'architecture récente. Ils regardent et cherchent à voir et à comprendre. Ils lisent le panneau donnant explications, ils regardent et reregardent, se demandant quoi penser, se demandant ce qu'ils ressentent, d'autres se demandent ce que l'artiste a voulu faire, la proposition originale de cet être singulier, si originale et si singulier qu'on se presse de refermer cet être sur lui-même, ce qui marche couramment bien quand cette originalité et cette singularité n'est surtout que des mots, déclarations d'intention et prétention éhontée.

Des poupées, des bras, des jambes, des phallus, des poupées sans bras ni jambe, au sexe troué, on peut faire des assemblages, un phallus dans sa chatte, est-ce un homme maintenant ou s'est-elle bien faite niquée, et autres réflexions métaphysiques d'un peuple assurément aplati. Ils se parlent et l'un dit : "Los Angeles est une ville plate à perte de vue, mais déjà les villes chinoises sont des villes organiques. -- Je ne connais pas les villes chinoises".

Une poupée lui ressemble, une autre c'est lui, mais il y en a d'autres, beaucoup d'autres, et des objets divers dont l'on peut décorer les poupées, toutes à la forme semblable, industrialisation de la poupée et de ses accessoires, érotisation du prolétariat d'obédience exclusive. Deux caméras, planquées dans les oeuvres du voisin, filment le jeu et enregistrent les délires et questions et réponses et normalités qui se jouent à même le sol de ce laboratoire social ; quelques jeunes jouent avec les poupées, mais beaucoup n'ont même pas compris de quoi il s'agissait, ils laissent les poupées à leur sort, au meilleur des mondes possibles, il baise, elle est baisée, qu'ils soient amis ou non, qu'ils aiment la vie ou qu'ils préfèrent violenter le voisin pour pimenter un peu, se promenant dans ce musée, dans cette crypte de vivants embaumés, avec tout le respect dû au lieu, au directeur et aux artistes, tels qu'ils sont, baisodrome, baiseur, baisée, elle peut aussi sucer mais pour se faire enculer veuillez saisir le code. Les poupées ont sept trous, c'est le chiffre divin.

Save & Load :

 
Comments: Enregistrer un commentaire



<< Home

Nom :
ARCHIVES
septembre 2005 / octobre 2005 / novembre 2005 / février 2006 / mars 2006 / mai 2006 / avril 2007 / janvier 2009 /


Powered by Blogger


statistique Locations of visitors to this page