< errance >
Démones.
Diables en furie flottant(e)s. Des esses. -- Tante.
En filigrane escompté chaud, tu sais.
Légende d’apparat, au ras-le-bol enfourné, j’acclame les restes du cœur, et m’en vais saler des filles (fruits, fuites).
Lilabor crève et s’en rit, et puis crève et s’en fuit, mais ne rit. Et puis gît.
Acclamation de l’estomac écœuré, j’applaudis.
Gigantesque selle en amer rougissant, je te scie, l’amande. L’amande éclôt et se vaut bien pour creuse. Mais.
L’aventure à beau marché, c’est les pleurs riants, amer écœure, et se noie. J’use les plaines à marcher droit.
Lilabor rigole et en veut, encore, mais j’estime, et tords, qu’elle aspire, au vent, salive.
Tu pleures et n’en peux, space gigogne.
Plouc amoindri se rit des torticolis et j’en ressemble assez, mais ne veux, aspiré de son stuc, et le creux.
Plus avant les escaliers (escalators, escaladant) gisent un peu.
Le tarmac mouillé resplendit dans la nuit, et j’estime.
Lilabor meurt encore, agonise en pleurant, encroûte mes oreilles de sons désastreux seuls. Je frémis. Je m’ennuie.
Je pars à la recherche d’une estudiante amène, mais me perds. Et s’envole.
Des babioles entre tous et les gigues au bal tombent. Trente secondes. « Départ immédiat voie B. »
Les splendides enfermés me narguent vérolés. Les ficelle.
Cloaque puant fumier, foutoir fumant salaud, caressant tes parjures tu crèves, tu maudis la terre entière, crécelle ordure, chante ta mère. Que tu désespères. Je te pierre. J’ai un Job Caché sous la peau. Silencieux (méandreux).
Et m’en vais plus te voir, ailleurs chercher me perdre. Je me fuis.
< aéroport >
Océane n’était pas belle et ne s’en foutait pas. La couche de maquillage était encore pire, elle effaça tout, mis un peu de fond de teint, des lentilles vertes, ajusta ses cheveux teints et partit en voyage. Nous ne nous attarderons pas sur Océane, nous nous éloignons, elle part toute seule, nous regardons l’homme assis au café seul. Michel, quarante-trois ans, employé des pompes funèbres, n’a rien à faire dans cet aéroport et le sait. Il jette des coups d’œil peureux autour de lui, termine rapidement sa bière, se lève, nous voyons Jordi, le petit Jordi qui s’ennuie sur les bagages de la famille. Ses parents font la queue pour le comptoir d’enregistrement, Jordi s’ennuie et met son doigt dans son nez, sa mère s’impatiente et lui fait des reproches, Jordi grommelle quelque chose, sa mère veut le faire parler et devient plus agressive, Jordi crie et pleure et s’agite dans des mouvements nerveux, sa mère lui demande de se calmer, mais il ne se calme pas la morve au nez, son père s’en mêle et d’un formidable revers du droit lui décroche la tête à Jordi, et d’un formidable revers du droit lui décroche la tête à Jordi. Jordi hurle et frappe du plat du pied le sol et ses poings levés les bras en coudes bat l'air de façon vaine, il cherche de la résistance dans l'air qui s'en fout, son père feint l'indifférence et sa mère entre sa colère en elle, sa colère contre ce gamin impossible à tenir, qui défie son pouvoir et qu'en plus ils vont se faire remarquer, la mère devient de plus en plus rouge et crispée à mesure que les gens regardent, cinquante têtes tournées vers le petit Jordi, des gens commencent à parler de lui, on parle de lui, ses parents commencent à l'entendre, Jordi commence à l'entendre, il a honte, est fier en dedans, il ne s'est plus où se mettre, car il a commencé à se calmer, mais bouillonne encore, il bouillonne vainement, immobile et crispé, et ses parents passent au comptoir d'enregistrement, bientôt ils vont s'éloigner, bientôt on ne parlera plus de lui, seulement des gens qui à sa vue le regarderont, comme un repère bien connu dans l'aéroport. Comme Simone.
Simone regarde le petit Jordi, éprouve affection et l’angoisse d’être sa mère. Encore dix minutes avant l’ouverture de la porte d’embarquement, on va s’y diriger, peut-être d’autres gens attendent déjà. Des nouvelles personnes à découvrir, Simone se demande comment elles sont, peut-être de nouveaux amis et, qui sait, une petite aventure… Depuis tous ces mois que Simone pense à ce voyage, maintenant il est là, elle peut en sentir l’imminence du début, elle est en marche vers le début de son merveilleux voyage, en marche depuis la fermeture du coffre de son auto, après avoir vérifier toute la matinée qu’ils n’avaient rien oublié, son mari est tellement oublieux, et des coups de téléphone aux enfants, Simone espère qu’elle ne leur manquera pas, qu’il n’y aura pas d’urgence. La glorieuse marche de Simone vers la porte d’embarquement est l’histoire du redressement de son buste, de l’air qui emplit doucement ses poumons, de son sourire qui s’élargit, de son moral, de sa motivation en hausse, l’histoire de son corps qu’elle se met à aimer.
< cénilia ou le sexe en famille >
Scène 1 :
« Mais enfin, Cénilia, pourquoi passes-tu ta journée à ne rien faire d’autre que des choses abrutissantes, et commences-tu à te mettre à faire des choses intéressantes que le soir, quand tu tombes de fatigue ? C’est vrai, à la fin, tu dilapides ton énergie pour rien, et tu te mets à vivre que H.S., quand tu ferais mieux de dormir. Pourquoi, mais pourquoi ?
Dans quelques temps, tout ce que tu pourras faire, c’est travailler toute la journée, et rentrer chez toi crevée, avant de rester à rêvasser sur ton canapé ou à baiser avec ton mari. Parce que tu auras un mari, ne te fais d’illusions ; tu apprends à élargir ceux que tu peux désirer ; pour n’en désirer plus qu’un, il ne te manques qu’à apprendre la soumission (qui apporte son lot de jouissances, crois-moi).
J’aimerais bien comprendre, dis-moi un peu. Je m’inquiète, à te voir comme ça, et c’est pas pour t’embêter. Tu n’as pas l’air heureuse en plus. Qu’est-ce que tu aimes ? Est-ce que je peux t’aider ?
— …
(La mère soupire en baissant la tête et les épaules ; Cénilia dans son mutisme réfléchit à ce qu’elle peut lui dire et non.)
— Ce que j’aime, c’est me faire battre. Me faire dominer. Qu’un homme puissant à la peau lisse et luisante me prenne de force, contre moi-même même, me mette en levrette, me tienne par les cheveux sans aucun ménagement, mais dans le bon mouvement, c’est-à-dire qu’il m’aime, et me nique et m’encule autant qu’il le peut, ça veut dire très longtemps, puis qu’il éjacule dans ma chatte ou mon cul, oui plutôt mon cul, pendant que je jouis, ou alors dans ma bouche si j’ai déjà joui. J’aime aussi qu’on me fouette et qu’on me frappe.
— Ma… Ma p… ma pauvre petite… comment peux-tu vouloir des choses pareilles ? (Un instant, qu’elle se remette de ses émotions, perdue ; puis elle trouve quelque chose) Mais, un tel homme n’existe pas. Tu le sais ? (s’inquiétant de la santé de l’imagination de sa fille)
— Bien sûr qu’un tel homme existe.
— Mais tu n’en as jamais rencontré. Si tu en as rencontré quelques-uns, il y avait toujours quelque chose qui n’allait pas, quelque chose qui paraissait essentiel, faisant que ce que tu as vécu allait bien souvent jusqu’à l’inverse de ce que tu voulais.
— (Un temps) Mouais… c’est vrai.
— Ça n’existe que dans ton imagination, tu sais. « L’essentiel » manquera toujours.
— C’est possible…
— Mais tu dois le vivre quand même, à mon avis. Ce que je te propose, parce que qui connaît mieux ses enfants qu’une mère ?, c’est que tu vives tes désirs avec moi. Le veux-tu ?
— Que… que je, je fasse ça avec toi ? (La mère opine légèrement de la tête) Mais tu n’es même pas un homme, tu n’es ni beau ni musclé, ni sexy ni tu as une bite, ça… ça ne peut pas marcher.
— Parce que l’essentiel n’est pas la personne avec qui tu es, pour ce genre de désir, mais ce que tu ressens toi. On peut très bien y arriver à deux. Tu pourrais y arriver toute seule, mais là tu as besoin impérativement de quelqu’un. J’ai dans ma chambre un fouet, des anneaux auxquels t’accrocher et un godemiché que je peux me passer à la ceinture. Tu veux qu’on y aille ? Pour le sperme, il faudrait en parler à ton père, ou à ton frère.
— Tu crois qu’ils…
— En les préparant bien, de manière à ce qu’ils ne voient même plus toutes les barrières qu’ils ont immédiatement à l’esprit d’ordinaire, je pense qu’ils n’opposeront aucune résistance, bien au contraire.
— Ce serait génial ! (Elles partent d’un pas alerte vers le fond de la scène ; suivant sa mère et arrivée au fond :) Et toi, ça te dirait qu’on fasse ça tous ensemble ?
La dislocation de la famille est un thème devenu banal, qui ne reparaît, à grands cris d’alarme, que dans les moments de retour du conservatisme. On peut se demander les rôles de l’élément purement sexuel, et de l’élément de désir, dans cette débandade. Quand plus personne n’est respectueux (c’est-à-dire que l’on se moque de l’étiquette) ni moral (c’est-à-dire que l’on est prévenant envers qui que ce soit sans que des éléments de désir ne s’en mêlent), qu’est-ce qui peut bien encore assurer une famille d’exister ? Il se peut bien que ce soit le partage du sexe en commun, sans que celui-ci bien sûr ne soit à entendre au premier degré.
Une table avec la famille autour. Sur la table le sexe de chacun, posé devant, près du centre. Ces sexes sont au fond tous les mêmes, ils sont semblables, ils ont n’est-ce pas un “air de famille”. Chaque sexe est coutumier pour les autres, c’est comme s’il était le leur. La seule distance qui sépare chaque membre de la famille aux sexes des autres membres est une grande discrétion (tant envers le sexe des autres qu’envers le sien : de la pudeur), et rien d’autre, ni répulsion, ni étrangeté, ni gêne, ni honte (en dehors de celle occasionnée quand la pudeur est blessée) : ses sexes leur apparaissent tout comme le leur, des parties du corps comme les autres, qui peuvent parfois donner du plaisir. Pour qu’il y ait famille il ne faut pas refouler cette communion des sexes
La dislocation de la famille provient pour beaucoup de l’inceste érigé en interdit fondamental, lors qu’auparavant, toléré ou non, il était chose commune (sous forme de viol le plus souvent, il est vrai, mais avec ou sans viol, cela signifie que le désir circule au sein de la famille). On retrouve Lévi-Strauss au centre de ce sujet, lui qui a beaucoup œuvré pour l’humanisme, notamment en recherchant l’unité de l’espèce humaine. Lévi-Strauss qui a écrit que l’inceste est le tabou qui se retrouve dans toutes les sociétés ; ce qui est parfaitement faux, plusieurs objections existent, mais ces dires ont fait énormément de bruit ; c’est, en somme, ce que nous souhaitions entendre, ce qui allait dans l’air du temps. La prohibition de l’inceste, à laquelle on pourrait ajouter la tendance des parents à voir dès le début dans leurs enfants des êtres humains adultes et individués, donc déjà des étrangers, ce qui ne facilite pas la circulation du désir. Il s’agit pour chaque membre de refouler ses désirs, donc de ne pas désirer ; dès lors, l’attachement à son fils, sa sœur ou son père reposera sur de tous autres motifs qu’auparavant, et semblables aux attachements situés en-dehors de la sphère familiale.
Mais dès lors la vie en société est profondément bouleversée. L’être humain se fondait dans la famille, et en sortait pour aller fonder une nouvelle famille, dans laquelle l’homme et la femme devaient apprendre à mettre leurs sexes en commun ; dans le couple, pas d’unité, si ce n’est celle-là, et qui tient moins au couple qu’à la famille, de l’unité du sexe. Dorénavant, il est dit qu’on ne consomme pas de sexe en famille, mais se tournant vers l’extérieur, comment reprendrions-nous le modèle antérieur, puisqu’il a disparu ? Tous les sexes nous paraissent étrangers (ou bien pour certains au contraire, tous les sexes leur paraissent ceux de leur famille).
Cette libération nous laisse ouverts tous les sexes de la terre, ce qui nous fait trépigner d’impatience, la bite à la main dans notre imagination. Comme toutes les « libérations », celle-ci profite à quelques-uns, tandis que d’autres sont renvoyés à la misère, chose toute nouvelle sur ce bas monde, la majorité vivotant soumise sans trop de douleurs ni de joies aux nouveaux modèles. C’est à cet endroit que la famille, ou encore la communauté, refait son apparition. Elles servent à limiter la casse, la sécheresse, en permettant à des êtres humains d’entretenir des relations sans que le cadre déjà institutionnel de leur relation ne soit d’abord fixé. Par exemple, le couple (mariage ou sortir ensemble), la relation client/marchand, faible/fort (dans victime/bourreau et victime/aideur de victime (les petits vieux comme les violées)), etc. La communauté et la famille sont des problèmes pour qui n’est pas socialisé, il est difficile de les faire advenir ; en revanche, il est beaucoup plus aisé de tenter, à partir d’une famille distendue ou d’un groupe qui n’est à peine qu’un ensemble, la collection, la mise en partage des sexes (il suffit de forcer un peu la porte, si ceci ne marche pas, c’est la mort de la famille mourante ou du groupe, ce qui n’est pas si grave).
Ainsi, l’être humain a toujours été — culturellement ! — hermaphrodite. Limité, borné à son propre sexe, il ne peut ressentir l’autre sexe comme le sien, donc d’attrait pour lui. Pour ceci, il faut que nous écoutions moins nos désirs que nous observions certaines règles, qui en modifiant notre espace peuvent influer sur notre désir. Il est possible de tout désirer, il suffit d’être assez proches, d’être comme une famille.